samedi 24 juillet 2010

Pourquoi je juge le Stress Test des banques européennes plus inquiétant que rassurant…

En février 2009, les américains avaient lancé un Stress Test. Nous avions déjà jugé à l’époque que l’exercice était « gentiment » organisé. Il avait pourtant entraîné la recapitalisation de 10 banques sur 19. Aujourd’hui, en Europe, seules 7 sur 91 seraient susceptibles de faillir en cas de nouvelle crise. Nous doutons fortement de la sincérité de ce résultat et voici pourquoi :

Tout d’abord, comprenons à quoi servent ces stress tests. Ils servent à rassurer les marchés sur la solidité du secteur bancaire. Vous l’avez compris, pour rassurer les marchés, il vaut mieux éviter d’apporter des résultats trop mauvais.

Pour cela, on définit trois scénarios : un scénario de base, un scénario de récession (3 points de moins de PIB que prévu) et un scénario dans lequel interviendrait de fortes pertes sur les emprunts d'État. Mais voilà, ces trois scénarios sont beaucoup trop modérés. Pourquoi aucune hypothèse ne retient le cas d'un défaut de paiement pur et simple d'un pays ? N’oublions pas que cela a failli être le cas récemment de la Grèce (probablement pas sortie définitivement du bourbier comme l’annonce la voix officielle), de l’Islande il y a deux ans (sauvée par la Russie) et que d’autres Etats pourraient connaître cette situation bientôt. Au lieu de cela, les seuils de pertes potentielles retenue sur les dettes souveraines ne seraient que de 8% pour le Portugal et l'Irlande, 5% pour l'Espagne, 2,5% pour l'Italie et…. 17% pour la Grèce. Oui, vous avez bien lu, 17% quand Moody's et Citigroup prévoient 40% !!!

Même avec des scénarios que nous qualifierons « d’un petit peu légers », on risque toujours des surprises, tellement les banques ont pris l’habitude de dissimuler la réalité de leurs situations dans des arguties comptables que les normes « Bâle » encouragent.


Alors, on se souvient de l’existence des banques centrales nationales. On décide que ce Stess Test serait réalisé selon le principe d’auto-correction, ou auto-notation, qui fait que chaque banque effectue ses propres calculs qui sont ensuite transmis à la banque centrale nationale qui les envoie ensuite à la BCE. Cette dernière n’ayant qu’un rôle de compilateur, elle ne peut voir son crédit entamé au cas où un avenir plus ou moins proche venait à contredire les résultats du test. Mais voilà, comme chaque Banque Centrale a sa propre définition des différents indicateurs, elles sont souvent tentées de sauver la face en prenant des critères qui avantagent leurs banques. C'est par exemple ce qui est reproché à l'Espagne. Pour s'assurer un succès, la Banque Centrale espagnole aurait autorisé les banques du pays à comptabiliser les aides du fonds de secours espagnol dans leurs capitaux propres. Or comme le rappelle le journal El Economista, ces aides ne sont que des prêts que les caisses d'épargne devront à terme rembourser...

C’est probablement à ces deux points que le FMI faisait allusion en début de semaine lorsqu’il regrettait « le manque de rigueur et l’opacité » de l’exercice.


Dans ces conditions, c’est sans surprise que la plupart des banques ont passé les tests avec succès.

Dans le détail, les 7 banques sont : l'allemande Hypo Real Estate, les caisses d'épargne espagnoles Diada, Cajasur, Espiga, Unnim et Banca Civica, ainsi que de la grecque ATE (Agricultural bank of Grece). Que du classique.


La France est fière, aucune banque française n’est concernée, Christine Lagarde fait cocorico (raison de plus pour se méfier…), mais qu’en aurait il été si l’hypothèse de défaut de paiement total de la Grèce avait été retenu ?????


En conclusion, ce Stress Test ne va rassurer aucun professionnel. Aura-t-il une influence sur les marchés ? A court terme, impossible à dire, ceux-ci étant parfaitement irrationnels. A long terme, oui, mais plutôt à la défiance qu’à la confiance. Quand un de vos partenaires « truque » des résultats, c’est qu’il a quelque chose à cacher. Même si vous ne savez pas quoi, vous allez prendre des précautions avant de travailler avec lui. Voilà pourquoi je juge ce test plus inquiétant que rassurant.


Addendum:

Nous apprenons aujourd'hui, par le Financial Time, qu'en Allemagne, six des 14 établissements soumis aux tests de résistance se sont abstenus de préciser le risque sur la dette souveraine. Il s'agit de Deutsche Bank, Postbank, Hypo Real Estate, les groupes mutualistes DZ et WGZ Bank, ainsi que la banque publique régionale berlinoise Landesbank Berlin.

Cet oubli volontaire ne fait que renforcer l'impression que les banques allemandes ont quelque chose à se reprocher.

1 commentaire:

  1. On dit que ce stress test est trop laxiste. Je crois que le problème est ailleurs:
    http://www.belkine.fr/2010/07/stress-test-banque-ue-finance.html

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